lundi 6 décembre 2010

«Les gens ne croient plus à la mort. Ils croient à l'usure.» SAGAN



J'enfouis mon visage dans les replis de mon écharpe, encore une fois. C'est le vent qui me cogne le visage qui me pousse à faire ça. Je deviens un monstre muselé de laine. Seulement deux yeux s'échappent de cette prison pour aller scruter le paysage tout déguisé de blanc. Il est mauvais ce froid. Il te prend aux entrailles. Il te fait craquer le cœur. C'est le froid des grands soirs d'hiver où t'es tout seul devant ta fenêtre. Ceux-là où y a pas même un flocon capable de venir glisser contre la vitre. Seulement le vent qui fait des bruits de ricanements. Qui se fout de ta gueule. Ouais qui se fout de ta gueule largement. J'ai déjà donné pourtant. Les Sans Amours Fixes, ceux qui crèvent même avec une soupe brûlante entre les mains.

Même avec un repas lourd et fumant. De toute façon rien ne réchauffe un cœur qui balance autant de sentiments douteux. Le vent s'engouffre encore et encore dans les ruelles, en de grosses bourrasques qui sont à deux doigts de te faire tomber sur le goudron gelé, comme une merde. La peau plus sèche que du papier, le corps tout entier qui se gerce comme ces lèvres qui s'accrochent à l'écharpe. C'est ce foutu froid qui te laisse terriblement seule, dans une bulle de tissus, la buée qui te cache la vue quand tu souffles. Les flocons qui s'infiltrent et te trempent comme ces sueurs qui restent collées à ton corps tremblant lors de ces réveils en sursaut. Alors ouais tu crèves de solitude, enveloppée comme il se doit, regardant un paysage vierge ou presque. Et si je dis tu, c'est pour ne pas dire je, frileuse comme je suis.

Je prend des moufles pour aller toucher les mots, tu vois. Je voudrais pas blesser ce qui reste de moi. Je ne joue plus, promis, juré. La marelle c'est fini, j'y ai déjà bien laissé. Ce doit être le verglas. Oui ce doit être le verglas qui me fais flancher l'âme. On ne se raccroche à rien, on a le cerveau sur le trottoir, entre deux bouches d'égout fumantes. Je suis une droguée en cavale. Échevelée, lancée dans le vent. Je suis un manque. Je suis un gouffre où le vent fait jouer ses cordes, que les flocons viennent tapisser. T'as l'intérieur gelé ma vieille. Faudrait faire gaffe à pas te briser. Tout ça n'est qu'un ricanement de plus à l'intérieur de ma tête. Je me nargue, une fois de plus. Regarde-toi dans le miroir, regarde-toi qui craquèle. Putain qu'est-ce que je vaux avec mes trente-sept degrés fermes. J'ai pas la carrure pour te prendre dans les bras. Je serais jamais une présence. Je ne serais même pas tes pieds froids au fond du lit. Ceux qui me hantent.

37 degrés. C'est tout ce qui reste quand le cerveau n'est qu'une mélasse informe de maux, seuls vestiges d'un temps où les jeux ont cessé de ne laisser que de légères égratignures. 37 degrés pour combattre les stalagmites qui s'enfoncent dans la chair à chaque tentatives ratées de se lier à d'autres. Je suis trop gelée, c'est un glacier dans ma boîte crânienne et il faudrait bien plus de chaleur pour faire fondre la poisse qui m'englue. Encore ce conditionnel qui révèle mon incapacité à me sortir du froid. Je ne suis qu'une ombre, un fantôme qui ne fait que passer, sans oser tout déranger. C'est pas tant la peur que le manque de foi. Ça me laisse frigorifiée sur le pas de la porte sans savoir si je dois entrer ou pas. Entrer est risqué, ça oblige de se dévêtir et laisser un peu de mon ersatz d'armure au vestiaire. Alors merde je veux plus en prendre plein la gueule. A ne rien risquer on ne perd rien, et je ne suis même plus sûre d'avoir encore de la dignité. Je peux juste pas faire ce simple pas en avant qui semble tellement évident lorsque c'est l'autre qui le fait. Mes pas dans la neige sont vite recouverts et je fuis, sans laisser de trace. Pleurer n'est même plus dans mes fonctionnalité, vraiment c'est bien trop gelé à l'intérieur.


The Walk - Imogen Heap
GOLD.2
Le texte en bleu vient de cette géniale jeune fille.

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